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L'instant ciné
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28 octobre 2013

Grumpy Seb - Droit dans le soleil

Bertrand Cantat. Vaste sujet auquel j'ai longuement réfléchi avant d'entamer l'écriture de ce billet. Car quoi que je dise, ses pourfendeurs m'accuseront de le défendre. Ce n'est pas ma démarche. J'aime la musique et seulement la musique. Malgré tout, cela me semblait nécessaire, et ce pour deux points. Le premier étant que lors de mon précédent billet, j'évoquais Zinedine Zidane et son acte de violence sur un terrain de foot qui lui a valu la gloire. De loin, je parlais même d'Abdellatif Kechiche. Et pourtant, au milieu de tout cela, j'ai cité Bertrand Cantat. Un homme qui est allé en prison après avoir battu une femme, celle qu'il aimait, au point de la tuer. Cette dichotomie m'a fait réaliser que le papier que je voulais écrire sur cet artiste que j'aime (sans quoi je ne l'aurais pas cité) devait être le suivant. Alors, réglons la situation tout de suite avant de développer : Zidane est respecté et admiré pour avoir commis un acte de violence sur quelqu'un. Cela ne semble gêner personne. Parents comme enfants. Kechiche, lui, la grande majorité de la presse et du public ferment les yeux sur son comportement plus que malsain. Personne ne semble vouloir heurter ce "grand génie". C'est un artiste voyez-vous. Jamais ô grand jamais il ne faudrait remettre cela en cause. Et à côté, nous avons Bertrand Cantat. Ex-leader de Noir Désir. Un homme à terre que l'on continue de rouer de coups. Pourquoi lui et pas un autre ? Allez savoir. C'est toujours bien de trouver quelqu'un que l'on peut pointer du doigt, et ainsi le désigner en hurlant : "c'est lui !" pour s'assurer de ne pas avoir à réfléchir. Cantat est la représentation de cet enfoiré qui bat sa femme. C'est lui et pas un autre. Il est le symbole de ce mal. Mais est-ce vraiment le cas ?

C'est là tout le problème que j'ai avec cette affaire : si Cantat, sous l'effet de drogues et d'alcool, est la représentation absolue de l'homme qui bat sa femme, qu'en est-il de ceux qui le font chaque jour à jeun et en toute conscience ? Que je sache, et même si cela n'excuse en rien son geste (j'insiste !), il y a une différence entre un acte (isolé) sous influence, et une volonté de nuire. Pourquoi à chaque fois que Cantat est cité, tout finit directement par tourner autour de Marie Trintignant là où Chris Brown a passé à tabac celle qu'il aimait, et que plus personne n'en parle aujourd'hui ? Pire : celle qu'il avait battu est revenue à lui. Pourquoi ce sens de la justice à deux vitesses ? Parce que Rihanna n'est pas morte ? Non, d'un côté, nous avons, encore une fois, quelqu'un sous influence, et de l'autre un gros con. Et pourtant…
Faire de Cantat le symbole de la violence faite aux femmes est un raccourci idiot. C'est se tromper d'ennemi. Mais c'est tellement plus facile de frapper un homme à terre. Il fallait un bouc émissaire. Ils l'ont trouvé.

Ceci nous amène sur le second point pour lequel il me semblait nécessaire d'écrire ce billet. Il s'agit du nombre incalculable de conneries que j'ai eu (et aurai encore) le malheur de lire. Démarrons par le déclencheur : Catherine Ceylac, présentatrice de l'émission "Thé ou café" sur France 2. Celle-ci s'offre quelques instants, au début de son émission, pour lancer une tribune contre Bertrand Cantat. Celle-ci lui refuse le droit d'exercer son métier. Celle-ci condamne son public (donc moi). Mais n'est-ce pas hypocrite ? Pourquoi ne combat-elle pas chaque personne commettant un acte de violence sur une femme ? Même : sur n'importe qui d'autre, homme comme animal ? A-t-elle pris du temps d'antenne pour parler de l'acte glorifié de Zidane ? A-t-elle pris du temps pour évoquer Kechiche et Annik Baly ? Non. Mais un homme qui a été condamné et reconnaît les faits, pas de problème ! Ce n'est pas normal. Ou bien la conscience de cette dame fonctionne grâce à un bouton "ON" et "OFF" peut-être ?
Non, bien sûr. Les accusations contre Michael Jackson sont oubliées, qu'un tel ait fait ceci et qu'un autre ait fait cela, on l'ignore assez facilement. Mais pas Bertrand Cantat. Il est l'homme à abattre. L'ennemi public numéro un.

Le deuxième problème tient dans la comparaison de cette affaire avec d'autres. La preuve par une tentative d'humour : "Bertrand Cantat en une des Inrockuptibles. Roman Polanski en une de Vanity Fair. Et bientôt Marc Dutroux en une du Journal de Mickey ?" Tel était le tweet d'une débile se pensant drôle et, j'en ai bien peur, intelligente. Pas de chance chérie : l'humour est un métier. Tout le monde ne peut pas le faire. En fait, il faudrait, à l'instar des cascades au cinéma, prévenir que ces blagues ont été réalisées par des professionnels et qu'il ne faut surtout pas tenter de les reproduire chez soi. Cette pauvre idiote aurait du coup été moins ridicule. Mais non, ça lui paraît naturel de comparer un pédophile avec un type qui a fait une connerie, en a payé le prix et surtout, est son premier juge. Rien de plus normal. Ma question : s'est-elle offusquée quand Lio a vendu sa peine à TF1 ? Sur le plateau de Thierry Ardisson, feu "Tout le monde en parle", lorsque l'animateur évoque le sujet, elle fait sa timide, joue la tristesse et dit que c'est trop dur d'en parler. Quelques heures plus tard, la voici en interview exclusive pour la chaîne concurrente où elle déballe tout ce qu'elle a sur le cœur. Sincérité. Hypocrisie. Tant de mots que je ne peux que répéter lorsque Bertrand Cantat est évoqué.
Ne lisant pas les journaux et ne regardant que très peu la télévision (mais de toute façon, qu'est-ce que ça change puisque ceux-ci ont décidé que certaines affaires méritaient qu'on en parle et pas d'autres ?), je n'étais pas sans arrêt abreuvé d'informations sans intérêt. Puis sont arrivés Facebook et Twitter. C'est une nouvelle vie. Une où je me demande si l'on est seulement capable de juger une œuvre pour ce qu'elle est et non à l'aune de ce que son créateur a commis. Hypocrisie : il doit bien y avoir des artistes ayant, à un moment ou un autre, commis quelque chose de répréhensible dont personne n'est au courant. Devrait-on, dans ce cas, tout remettre en question ? Rien ne prouve que l'acteur que l'on aime n'est pas un nazi ou n'a jamais rien fait de mal. Mais tant que l'on ne sait pas, ce n'est pas grave. Ah. Bon. J'imagine.
Les films de Polanski sont-ils moins bons depuis cette affaire de viol ? Michael Jackson n'est-il plus un grand artiste depuis ses accusations ? Ne pourrait-on pas condamner un homme et faire la part des choses avec l'artiste, et ainsi ne pas systématiquement parler d'une chose qui s'avère être hors sujet lorsque l'on évoque son œuvre ? Car un artiste qu'on aime n'a rien à voir avec l'homme pour une simple et bonne raison : nous ne connaissons pas ces gens.
Dans mon précédent billet, j'ai taclé Kechiche. Mais lorsque je parle de lui, je parle de cinéma. Je n'évoque pas autre chose. C'est son manque de talent qui me pose un réel problème. Si j'étais un grand fan de Polanski, je m'évertuerais à continuer de défendre son cinéma. Et ce pour une seule raison : l'art passe avant le reste. Et je vais être honnête : lorsque j'évoque Cantat, l'homme, je dis que je condamne son geste, mais la réalité est juste que j'ai une conscience qui me dit que ce qu'il a fait est mal. Je le sais. C'est un fait. Mais ça s'arrête là. Peut-être ne suis-je pas humainement et émotionnellement suffisamment développé pour avoir un point de vue arrêté. Le drame de Vilnius ? Je n'en ai absolument rien à foutre. Je n'ai pas d'opinion là-dessus. J'aime un artiste. Pas un homme. Tout simplement.

Revenons à nos moutons : la comparaison d'une affaire à l'autre. Soit Cantat et Polanski. D'un côté, un homme qui a fui la justice. De l'autre, un homme qui a payé le prix. Un homme qui reconnaît les faits. Un homme qui n'a pas besoin de vous pour s'en vouloir pour le restant de ses jours. Ne voyez-vous pas la différence ? Je n'essaie pas de minimiser le geste de Bertrand Cantat. J'essaie juste de comprendre pourquoi vous êtes stupides. Certains diront que ce dernier n'a pas assez payé, qu'il est sorti de prison trop tôt. Bien. Peut-être que c'est vrai. Mais en quoi est-ce la faute de Cantat ? Dans ce cas, prenez-vous-en à la justice et à personne d'autre. Non. Encore une fois, les gens sont incapables de faire la part des choses. Ou alors, peut-être aurions-nous dû lui demander de rester en prison pour dix années supplémentaires. Tout cela dans le but de satisfaire tout le monde. Bien que je ne vous le souhaite pas, j'aimerais vous voir en prison. J'ai tendance à penser que vous saisirez l'occasion d'en sortir dès que celle-ci s'offrira à vous. Mais Cantat, lui, n'aurait pas dû. C'est tellement logique.

Pendant toutes ces années, Bertrand Cantat s'est fait discret. Pourtant, l'opportunité de parler dans la presse a toujours été présente. Il ne s'affichait pas. Quelques apparitions sur scène par-ci par-là, et c'est tout. Il se tient loin des médias. Et on lui demande de cesser toute activité ? Réagissez-vous de la même manière avec chaque personne sortant de prison pour x raisons ? (La réponse est non, car un visage qui n'est pas affiché sur la place publique ne peut pas être condamné par tous.) Allez donc au bout de votre logique, et demandez la restauration de la peine de mort. Ainsi, on se débarrasse de chaque personne entrant en prison, et il n'y a plus de problème.
De même, depuis peu, tout le monde vient se plaindre qu'il réapparaît dans les médias. Les médias ? Vraiment ? Récapitulons : une chanson sur Internet. Une interview dans un magazine. C'est tout. "Les médias", c'est ça. Certes, Cantat n'est pas stupide. Il sait que tout le monde va reprendre ces deux petits événements. C'est évident. Pour autant, sont-ils obligés ? Mais encore une fois, on s'en prend à Cantat. Les gens pourraient-ils, une fois, une seule fois, réfléchir avant de nous imposer leur opinion irréfléchie et particulièrement stupide ? Ce n'est pas lui qui est en cause mais, justement, les médias. En fait, c'est toujours pareil : ce sont ceux qui font exister une chose qui viennent s'en plaindre. Si personne n'avait parlé de Nabilla, aujourd'hui, elle ne serait plus là. Mais non, c'est la faute des autres. Il faut vraiment que je cesse de me voiler la face : Cantat aurait dû tenir tête à la justice et rester en prison. Il devrait donc maintenant attaquer en justice chaque média ayant parlé de lui alors qu'il ne demandait rien… Quitte à être stupide, autant y aller jusqu'au bout, non ?
À tous les idiots, je leur demande, pour une fois, d'êtres intelligents : fermez-la. Pour le bien de l'humanité. Car si les gens m'amusent dans leur bêtise, ils m'exaspèrent à ne pas s'en rendre compte.

Je n'ai pas lu son interview dans "Les Inrockuptibles". Je n'en ai rien à faire pour tout dire. Mais j'ai tendance à penser que la majorité des gens qui en parlent (en mal, évidemment) ne l'ont pas lue non plus. Ah si : des "morceaux choisis" comme on dit. Forcément, "haters gonna hate". Prendre une phrase hors contexte peut changer beaucoup de choses. Mais ces gens-là ne se poseront jamais cette question. Car ils ont condamné Bertrand Cantat et décrété qu'écouter sa musique était encourager son geste. Comme une personne, après le drame, pointant du doigt le fait que j'écoutais un disque de Noir Désir : "comment tu peux écouter ça ? C'est un tueur ce type". Phrase venant d'un fan de 50 Cent. Ancien dealer de drogue et fier de l'être. Et il parle d'un homme qui n'a pas eu besoin du regard des autres pour se condamner lui-même et son geste. Alors où est la rédemption dans tout cela ? La majorité des gens voient ce qu'ils veulent voir. On fermera les yeux sur untel ou untel, mais pas Cantat. Dès que son nom est évoqué, Marie Trintignant et les insultes font leur apparition.
Hypocrite ? Stupide ? Vous l'êtes si vous vous reconnaissez dans ce que j'écris.

Ce qu'il y a à dire sur cette affaire n'est pas mon problème. Il y a Bertrand Cantat l'homme, et son geste condamnable et condamné. Puis il y a le seul que je connaisse : Bertrand Cantat l'artiste. Celui que je respectais et que je respecterai toujours. Pour moi, l'équation est aussi simple que cela. Et le pire dans tout cela, c'est que personne ne parle de Pascal Humbert, l'autre moitié de Détroit. Et n'est-ce pas là la chose la plus importante ? Alors, peut-on recommencer à parler musique ?

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