PACIFIC RIM de Guillermo Del Toro
"Two thousand five hundred tons of awesome."
Cinq ans après le formidable 'Hellboy II', et deux projets successivement tombés à l'eau ('Le Hobbit', 'Les montagnes hallucinées' – l'adaptation de Lovecraft ayant été stoppée net car Universal refusait de lâcher un si gros budget sur un film classé R) Guillermo Del Toro nous revient enfin, plus en forme que jamais. Si l'on aurait pu craindre que perdre le rêve de sa vie alors qu'il était si près du but de le voir concrétiser aurait pu le démoraliser, 'PACIFIC RIM' (oui, exactement : en lettres capitales. Et si c'était pas moche, je mettrais en gras, italique et souligné aussi !) lui tombe entre les mains. Le projet idéal pour cet amoureux des figures monstrueuses. Voyez plutôt : des robots géants (Jaeger) contre des monstres géants (Kaiju). Un prétexte en or pour le mexicain, et ainsi se lâcher et faire exploser toute sa folie (alias génie) sur grand écran. Pour sa première superproduction, Guillermo Del Toro décide ni plus ni moins que de faire plaisir à tous ceux qui, comme lui, ont gardé leur âme d'enfant. 'Pacific Rim', c'est le film qu'on aurait tous rêvé de voir lorsqu'on nous avions de 8 à 12 ans. Le genre d'œuvre qui peut façonner notre imaginaire, et nous ouvrir sur de nouvelles cultures.
De plus, cette "absence prolongée" des plateaux (par rapport au contexte évidemment, on a vu des réalisateurs être plus lents entre deux films) semble avoir servi de coup de pied pour Del Toro, comme si le fait de tenir une caméra l'avait démangé tout ce temps. En résulte un spectacle généreux comme on en voit que trop rarement, où chaque séquence de destruction massive est pensée pour en offrir le meilleur. C'est bien simple : chaque seconde de 'Pacific Rim' hurle l'amour qu'a son réalisateur pour ses monstres et robots (personnages à part entière du film), et nous livre LE blockbuster de l'été, le plus jouissif qu'on ait vu depuis des lustres. Del Toro voulait faire plaisir en se faisant plaisir. Au final, il t'éjacule à la gueule pendant deux heures. (Oui, ce que j'écris est sale, mais le pire, c'est que j'aime ça !)
En fait, la générosité de l'œuvre n'a d'égale que l'ambition visuelle du film, magnifiée par la photo de Guillermo Navarro, fidèle comparse de Del Toro.
D'aucuns s'attaqueront au film en lui reprochant un scénario minimaliste, voir inexistant alors qu'en réalité, celui-ci pourrait s'apparenter à 'Man of Steel' : on part sur un postulat brillant pour ne livrer "rien de plus" que de la destruction. Si certains y voient un manque d'ambition, il n'en est rien. Déjà parce que Del Toro et Travis Beacham (auteur du scénario d'origine, retouché par GdT) posent un univers réfléchi et cohérent (combien peuvent s'en targuer aujourd'hui ?), et surtout parce que cela a toujours été le désir du réalisateur : faire un spectacle total et définitif. Le genre à te foutre la banane (l'intro de 'Star Trek Into Darkness', mais sur 2h), et te donner envie d'y retourner immédiatement le film terminé. Del Toro réussit parfaitement son pari.
Ce qui fait la grande différence entre 'Pacific Rim' et n'importe quel autre blockbuster vient de la sincérité et de l'amour qu'insuffle Guillermo Del Toro dans son récit. C'est de là que découle toute l'émotion. Ces plans (quasi tous iconiques) sur les Jaeger ou les Kaiju sont plus forts que tout ce qui touche à l'humain. Encore une fois, certains pourraient le lui reprocher, mais ce serait trop vite fermer les yeux sur l'importance de ceux-ci dans l'histoire (le flash-back de Mako, filmé à hauteur d'homme, en est une preuve flagrante me semble-t-il).
C'est ça qui fait de 'Pacific Rim' une grande œuvre de cinéma. Del Toro croit en l'histoire qu'il raconte, et aujourd'hui, c'est ce qui manque cruellement à Hollywood, où tout n'est que cynisme et moquerie, transparaissant par l'humour, tout ce second degré faisant que le projet n'est jamais pris au sérieux. Ici, l'humour n'est jamais forcé, il est toujours naturel (qui a déjà vu un film de Del Toro s'en rendra compte), et le choix de casting, au départ surprenant, de Charlie Day en est la preuve. Son duo avec Ron Perlman – ou son acolyte scientifique – peut agacer ceux qui ne le connaissent pas, mais l'acteur, qui a droit à un vrai rôle consistant (chose à laquelle je ne m'attendais pas une seconde, je dois l'avouer), se donne au maximum sans jamais trahir la passion originelle pour le concept du film. En fait, c'est un gamin au milieu du chaos. L'incarnation de Guillermo Del Toro à même le film. Difficile à partir de là de parler de film de commande (chose que 'Pacific Rim' n'est pas !), et de nier sa cohérence dans la filmographie du réalisateur. Car comme 'Blade 2' ou les 'Hellboy' avant lui, 'Pacific Rim' tutoie 'Le labyrinthe de Pan' via une déclaration d'amour à l'imaginaire comme on en voit que trop peu.
En résumé, 'Pacific Rim' est LE film à voir cet été. Tout y est bien, et même le reste. Alors n'hésitez pas un seul instant et courez-y, ainsi, vous aussi, vous rêverez de devenir pilote de Jaeger.
Et un conseil pour la route : regardez le générique de fin.
Pour les amoureux de Rinko, un petit bonus signé Ron Perlman lui-même :
(Cliquez pour aggrandir.)